Hier, en compagnie de prévenus au procès du 8 octobre, j’ai reçu le verdict. Sévère, la justice nous a condamnée à payer les sommes suivantes: une amende de 100 ou 250 euros (selon leur état de récidive), à 590,92 euros, solidairement, de dommages et intérêts à Métrobus (frais de nettoyage), à 150 euros chacun de frais irrépétibles, à 1 euro , solidairement, à la RATP (préjudice moral), à 1 euro symbolique, solidairement, à Métrobus (préjudice à l’image).
Nous n’attendions pas grand chose étant donné la façon dont s’est déroulé le procès mais c’est loin d’être un échec. Nous avons ouvert le débat sur le danger des écrans publicitaires et de très nombreux citoyens se sont manifestés pour afficher leur soutien. Je peux vous assurer que les désobéissants à la publicité sont très reconnaissant et fier d’être soutenus si vaillamment et avec constance par des citoyens, nombreux, qui ont compris que la désobéissance civile était devenue une nécessité face à un système publicitaire surpuissant qui écrase tout sur son passage. Nous en appelons une nouvelle fois à votre générosité pour couvrir nos frais d’avocats. Il nous manque environ 2000€. Vous pouvez envoyer un chèque à l’adresse suivante : La Teinturerie – 24, rue de la Chine – 75020 Paris (en précisant qu’il s’agit d’un don adressé en soutien des déboulonneurs) ou bien donner en ligne.
Quelles actions pour nous libérer d’un système publicitaire qui continue de se totalitariser ?
Aujourd’hui, après avoir vécu intensément les journées de mobilisation autour du procès du 8 octobre 2012, je me rend bien compte que notre action symbolique demeure insuffisante pour avancer notre proposition de réduction de l’affichage publicitaire à 50*70cm et le démantèlement des écrans publicitaires. C’est une réflexion constante que nous menons avec les acteurs de la contestation, comment agir efficacement ? Je crois qu’il n’y a pas une méthode brillante mais qu’un ensemble d’actions différentes et complémentaires peuvent nous faire avancer dans la bonne direction.
La désobéissance civile telle que pratiquée par le collectif des déboulonneurs Parisien est indispensable parce qu’elle permet de débloquer le débat public en générant des articles de presses et mobilisant régulièrement un grand nombre de citoyens autour du sujet, chose que le mouvement antipub parvenait laborieusement à faire de façon régulière avant la conception du collectif en 2006. Toujours dans le cadre de la non-violence, nous pouvons citer l’action ingénieuse des reposeurs qui se finira le 26 octobre prochain, et qui vise à contester les dispositifs d’affichage dans le métro Parisien. Leur revendication est la même que celle des déboulonneurs, le mode d’action est un peu différent puisqu’ils se revendiquent de la désobéissance éthique qu’ils définissent comme le fait de désobéir à une norme sociale sans désobéir à la loi. C’est intéressant, je vous engage à vous rendre sur le site. J’ai moi même suivis leur mode d’emplois pour recouvrir quelques publicités dans le métro Parisien et c’est très amusant.
L’association de 20 ans, Résistance à l’Agression Publicitaire, est un espace intéressant, c’est un cadre légaliste qui permet d’agir sur les politiques et mener une action de sensibilisation auprès du public. Si l’association venait à obtenir un agrément d’utilité public, elle pourrait également ester en justice, ce qui serait une arme non négligeable. Je vous invite à la rejoindre pour l’aider à atteindre cet objectif. Agir au sein des partis politiques, pour faire avancer nos idées et les portées aux pouvoirs est également un chemin à emprunter. Bien que pour l’instant inefficace, on le voit avec EELV qui se noie dans l’exécutif socialiste, cela permet la diffusion de nos propositions et peut-être leur application en cas de changement du rapport de force politique.
Il y a également la voie de la résistance culturelle, c’est à dire agir contre la publicité quotidiennement de façon marginale. De plus en plus d’individus basculent dans un mode de contestation au quotidien, en gardant dans leur poche un marqueur pour répondre à la publicité quand on passe devant. C’est une pratique illégale et non-assumée mais qui me semble bien difficile à réprouvée étant donné l’état d’envahissement de nos espaces publics. Et il y a la casse, le brisage d’écrans publicitaires, qui a été l’action de quelques individus en 2010 et qui passent en procès en ce jour du 23 octobre 2012. Comment ne pas avoir une pensée émue pour ces activistes qui risquent très gros ? Le mode d’action quelque peu violent et non assumé est plus que contestable, à titre personnel je le désapprouve complètement, cependant il faut reconnaitre leur acte comme politique et survient comme un ras le bol de ne pas être entendu quand bien même l’opinion est favorable à un retrait de ces dispositifs. Pour ma part, je crois que la réforme est possible et que ce mode d’action est contre productif, et bien trop couteux. Malgré ces désaccords de fond, je passerais les soutenir avant leur entrée dans la salle d’audience tout à l’heure.
Le système publicitaire dévore l’internet ?
L’affichage n’est pas le seul support sur lequel il faut combattre la publicité. Internet est en proie à la domination de nouveaux acteurs du système publicitaire que sont google, facebook ou twitter pour n’en citer que quelques uns. Il suffit de regarder le top 10 des sites les plus consultés au monde pour s’apercevoir que seul un site résiste à la publicité, c’est wikipédia. A l’étude des faits, on s’aperçoit également que ces services reposant sur un modèle de financement par la publicité sont parmi les plus liberticides au monde. Acaparation et exploitation des données sociales à des fins de ciblage marketing, censure, pollution visuelle, collaboration avec le pouvoir politique… La situation est alarmante et je crois plus que jamais que le Syndicat Électronique construit en mai dernier est l’outil nécessaire à la défense de nos droits de contributeurs sur ces services. Ci-joins, la courte intervention que j’ai donné à l’événement Londonien « Rethinking Small Media » abordant le sujet.
Pourquoi un syndicat électronique pour défendre les droits des contributeurs ?
Intervention d’Antonin MOULART pour le Syndicat électronique à l’occasion de l’événement « rethinking small media » organisé à Londres le 6 et 7 octobre 2012.
Quelques services en ligne sont devenus essentiels pour de très nombreux internautes. Parmi eux, nous pouvons mentionner facebook et ses très récent un milliard de contributeurs, twitter le média le plus rapide de l’internet, google et sa panoplie de services: moteur de recherche, gmail, google docs, google plus… et bien d’autres encore. Ces services en ligne ont un point commun, ils sont tous fournis par des entreprises qui ont pour cœur de métier la publicité.
Quel est la différence entre un utilisateur et un contributeur ?
Les mots ont un sens : derrière le terme « utilisateur » se cache l’idée que l’internaute n’apporte rien à Facebook, et que son usage du service ne repose que sur des raisons strictement fonctionnelles ou de consommation. Or, le contenu de Facebook est le ciment qui maintient sa communauté. Si ce réseau est devenu incontournable, c’est d’abord parce que 900 millions de personnes s’y sont inscrites et qu’il s’agit pour une partie de la population d’un espace de socialisation indispensable. Ainsi, Facebook s’enrichit grâce aux contributions des internautes qui peuvent être de l’ordre de la création originale de la sélection d’information.
Personne n’aime la publicité ou tout du moins, nous pourrions sans doute nous en passer sans que notre vie soit moins passionnante. Mais ni facebook, ni google, ni twitter ne peut fonctionner sans publicité dans le modèle pour lequel ils ont opté. Ces entreprises doivent gérer des intérêts contradictoires : comment rendre les contributeurs suffisamment captifs du service pour qu’ils continuent de partager leurs données tout en permettant une augmentation constate de la pression publicitaire ?
Quand je parle de pression publicitaire, je fais référence à la récolte de données personnelles et leur analyse toujours plus avancée, mais également aux encarts publicitaires comportementaux que l’on peut voir à droite de l’écran sur gmail et facebook par exemple, ou encore l’achat de visibilité à l’intérieur d’un réseau social comme le pratique twitter avec ses sujets tendances vendus aux marques ou encore l’achat de visibilité pour les statuts facebook sur les pages fans.
Ces dispositifs, de plus en plus intrusifs, exploitent les changements émotionnels des contributeurs pour les cibler commercialement dans des phases de vulnérabilité, par exemple, je passe mon statut de ‘ »en couple » à « célibataires », les publicités vont se mettre à jour et me vendre des sites de rencontre. De plus, ils contribuent à amplifier une expression censitaire qui avantagent les plus fortunés.
La mesure d’interdiction de l’anonymat par les conditions d’utilisations de google plus et facebook montre que la valeur marchande intrinsèque des réseaux sociaux est véritablement liée à la fiabilité des données qui sont cédées par le contributeur à l’entreprise. La désormais célèbre formule « Quand vous ne voyez pas le service, c’est que vous êtes le produit ! » n’a jamais été aussi criante de vérité. Bien entendu, les acteurs dominants n’assument pas cette évidence et préfèrent parler de services « gratuits ».
Les entreprises de services en lignes sont contraintes de collaborer avec les états dans le but de garantir l’accès à leur site dans les pays où internet est filtré ou bien de conserver une liberté de gestion et d’exploitation des données personnelles des contributeurs dans les pays dits démocratique. Souvent ces mêmes entreprises se plaignent des lois qui autorisent trop facilement la consultation de leurs bases de données par les services judiciaires des états comme c’est le cas aux Etats-Unis par exemple. Ces connivences entrainent des atteintes à la liberté d’expression et au libre accès à l’information, c’est par exemple le cas de google qui a gommé en 2006 la place Tian’anmen de ses résultats de recherche pour les habitants de Chine. Ou encore twitter qui a accédé à des requêtes de censures visant un compte de caricature de Nicolas Sarkozy pendant les dernières élections Française; Internet Sans Frontières avait révélé au grand jour, preuve à l’appuie, ce qui fut baptisé dans les médias Français la #SarkoCensure, puis vite éteins dans les médias en ligne anglophone par une contre-offensive de relation public orchestrée par twitter; ou bien encore facebook qui lors du début du mouvement Occupy Wall Street avait dé-publié un événement invitant à protester dans la rue contre la bourse. Des censures politiques donc, qui sont quelques exemples parmi de nombreux autres sur lesquels nous ne nous étalerons pas aujourd’hui.
Le syndicat électronique ou E-Union défend les droits des contributeurs sur les services en ligne. Il est un outil de terrain qui part de l’expérience quotidienne des contributeurs et permet de détecter les abus, trouver des preuves de ces derniers et les dénoncer par la médiatisation et l’action en justice.
Nous pensons que les services en ligne doivent reconnaître le rôle économique des contributeurs et entrer dans un partenariat de confiance avec les communautés afin de concilier les intérêts de chacun. Le syndicat électronique se propose comme un outil d’amplification de l’expression des contributeurs afin de dénoncer les atteintes, permettre aux contributeurs de reprendre le contrôle sur leurs données et contraindre les entreprises à limiter l’exploitation des données personnelles.
Le modèle de wikipédia ne devrait-t-il pas être une source d’inspiration pour les entreprises comme facebook qui s’écroule en bourse et ne parvient pas à trouver de point d’équilibre avec le modèle publicitaire entre les exigences de ses actionnaires et celle de ses contributeurs ? Wikipedia est le 5e site le plus consulté au monde, la wikimedia fondation emploie 75 personnes et atteins chaque année ses objectifs de financement. Wikipedia n’exploite pas les données personnelles de ses contributeurs et ne met pas d’encart publicitaire sur ses sites. Le service de wikipedia utilise un logiciel libre. Mark Zuckerberg ne se serait-il pas trompé de modèle économique quand il a lancé facebook ?
Salut,
Juste une petite précision, les dons pour les Déboulonneurs sont à envoyer à
« Résistance à l’Agression Publicitaire – 24, rue de la Chine – 75020 Paris ».
Les chèques sont à faire à l’ordre de « RAP » (en précisant « Déboulonneurs » au dos).
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