Sous forme de dessin animé propagandiste de 4 minutes, l’HADOPI tente de convaincre les enfants de ne pas télécharger illégalement. Diffusé sur le site de france 5, il a été retiré par le directeur suite au buzz. Depuis, le parti pirate a invité les internautes à imaginer un second épisode qui est sur le point de devenir mythique.
Mais arrêtons-nous sur ce premier volet et décryptons les éléments utilisés pour « faire aimer le téléchargement légal » aux enfants.
L’histoire tourne autour de deux protagonistes, Super Crapule et Super Hadopi.
Les protagonistes: Super Crapule
Remarquons que le terme de pirate n’a pas été utilisé, peut être de peur que les enfants s’identifient à Jack Sparow ou Luffy de One Piece. Le terme crapule n’a pas été choisi par hasard, pourquoi crapule plutôt que voleur ou contrebandier ? Selon le wiktionnaire une crapule est une « personne abjecte qui a des sentiments bas et est capable des pires actions ». Le terme crapule est aussi parfois utilisé de manière affectueuse pour les enfants qui font des bêtises. Ne perdons pas de vu que le message est sensé s’adresser aux enfants, il faut donc que l’enfant qui télécharge s’identifie à super crapule. Super crapule est donc un enfant, il est petit, le visage rond, trois taches de rousseurs sur chaque joue parfaitement symétrique, deux grosses dents qui dépassent et il est mal coiffé. Les tâches de rousseurs sont un signe d’insolence et de différence, comme le personnage Poil de carotte de Jules Renard. Ses deux grosses dents rendent le personnage plus moche et plus ridicule, sûrement a-t-il mangé trop de bonbons ou alors toutes ses dents ne sont pas à la même taille, toujours en référence à son jeune age. Il n’est pas beau, le protagoniste prête à la moquerie. Maintenant les habits, il porte un espèce de collant noir sur la tête qui lui écrase le nez, ses cheveux dépassent, sa veste est jaune avec un grand « C » comme crapule. On dirait un insecte, une guêpe, bref un truc dont on pourrait avoir envie de se débarrasser.
Les protagonistes : Super Hadopi
Super Hadopi a une voix d’adulte grave, il est grand. Habillé tout en bleu, il y a écrit hadopi sur son torse. La couleur du logo de l’Hadopi est le bleu, ce n’est donc pas un hasard. Il a des cheveux assortis à son uniforme, on dirait des flammes. Il a un espèce de casque cosmique qui le rend « cool » et hight tech. Beaucoup plus redoutable que super crapule à n’en pas douter. On pense immédiatement que super crapule n’a aucune chance dans cet affrontement. Il est un enfant en face d’un adulte qui le gronde. Super Hadopi est le bras armé de la justice, l’autorité, un espèce de superman qui défend le musicien et le cinéaste opprimés.
L’histoire
Super crapule apparaît donc et nous explique avec un air faussement ironique son fond idéologique « payer les artistes c’est du passé ». Il dispense au téléspectateur quelques conseils pour télécharger sans rien dépenser, on le voit tirer un espèce de tracteur énorme avec un ordinateur derrière. Avec un air malin et sournois, Super Crapule assène un premier conseil « Déjà, cache toi bien derrière ton ordinateur ». L’internaute qui récupère un fichier copyrighté ne fait pas qu’utiliser son ordinateur, il se cache également, un peu comme le blogueur sous pseudonyme. L’anonymat est assimilé à de lâcheté ou à une attitude irresponsable. On le voit se connecter à internet et commencer le téléchargement, d’un seul coup le tracteur démarre et avance à une vitesse vertigineuse. Le tracteur pollue beaucoup, une épaisse fumée noire s’échappe. Télécharger illégalement n’est pas écologique et donc immoral. Pour accentuer le trait, sur le plan d’après on voit un artiste avec une guitare sous un grand arbre vert. Super crapule passe et vole les instruments du musicien ainsi que les feuilles de l’arbre. Le vole des instruments de l’artiste symbolise le mythe du manque à gagner à cause du téléchargement illégale, pour matérialiser les pertes et les conséquences à chaque fois que le pirate « vole une œuvre ». Ensuite, il embarque également la caméra d’un cinéaste. Les deux industries attaquées sont celles du cinéma et de la musique. Ce qui fait illusion et montre l’immoralité de Super Crapule est la qualité des victimes. Il ne s’agit pas des maisons de disques qui s’en foutent plein les fouilles mais bien d’artistes qui souhaitent vivre paisiblement de leur art en harmonie avec la nature. Super Crapule admet « télécharger comme un furieux et ne plus prendre le temps d’en profiter ». On est dans le registre de l’hyper-consumérisme, ne le satisfait que le fait d’acquérir, Super Crapule n’a pas le temps d’apprécier ce qu’il consomme, en fait, il s’en fout. C’est faire du mal qui l’intéresse.
Intervient alors Super Hadopi « Arrêtez le massacre ! », sur un fond de musique rythmée, il arrête d’une seule main le tracteur de Super Crapule. Trop fort ce type. Il inspire le respect. Super Hadopi commence à discuter avec Super Crapule et prend la défense des artistes. S’en suit une explication justificatrice de la loi hadopi. Toujours malicieux et immature, Super Crapule tire le slip de Super Hadopi parce qu’il le trouve trop cool. C’est le syndrome du petit qui veut prendre exemple sur son aîné. Il admet ainsi que c’est beaucoup mieux d’être Super Hadopi que Super Crapule. Les sanctions de l’Hadopi deviennent les super-pouvoirs de Super Hadopi. On voit ensuite Super Crapule derrière les barreaux qui pleurniche « Pitié, j’ai rien fait de mal ». Super Hadopi assène cette affirmation sans le moindre remord « Télécharger illégalement une œuvre artistique, c’est du vol ! ». Sur l’écran de fin apparaît lentement le message d’une malhonnêteté intellectuelle incroyable : « Pourrions-nous vivre sans musique, sans film, … ? Alors disons oui au téléchargement légal ! ».
La moralité
La moralité de l’histoire pourrait être résumée en une phrase « Petit morveux, arrête de télécharger illégalement, tu tues les artistes et décimes les forêts ». Ce qui est frappant, c’est l’argument écologique utilisé dans cette propagande. Télécharger illégalement nuirait à l’environnement car cela s’apparente à de l’hyper-consumérisme nous explique-t-on ! L’argument est quand même tordu et sous-entend que les pirates n’aiment pas la culture, ils aiment consommer pour consommer. Payer les biens culturels permettraient de limiter la consommation et donc polluer moins. L’écologie est devenue un peu l’argument moral incontournable, genre, tu es écolo donc tu es moral.
Il faut reconnaître que l’argument écologique est magistralement détourné. Super Crapule est une petite crapule à coté des personnes qui ont imaginé ce clip. La crapulerie est dans la malhonnêteté intellectuelle dont fait montre ce message qui s’adresse à un public d’enfants. C’est vraiment crade d’éduquer la jeunesse comme ça. Il ne s’agit même pas d’éducation mais d’une vulgaire propagande qui cherche à formater et endormir les esprits « vient la que je t’embrouille » des nouvelles générations.